PEAUX VIVANTES : La beauté régénérative en action — de Pamela Anderson aux IA du soin
PEAUX VIVANTES : La beauté régénérative en action — de Pamela Anderson aux IA du soin
Il y a des figures qui se transforment sans disparaître.
Pamela Anderson, longtemps résumée à une image sur papier glacé, opère depuis quelques mois une métamorphose plus profonde : elle devient le visage d’une beauté brute, assumée, et paradoxalement très actuelle.
Pas une icône d’hier qu’on ravive, mais un symbole en phase avec notre époque, qui cherche à désapprendre et à renouer avec l’organique.
Et ce que nous observons aujourd’hui — campagnes non maquillé, collaboration avec Biolage, rituels clean et réparateurs — nous l’avions anticipé.
Dans l’observatoire des tendances 2024 de l’agence Rousse2, Pamela était identifiée comme une icône montante de cette esthétique plus consciente, plus régénérative, plus incarnée.
Extrait de l’Observatoire 2024 © Rousse2 Agency
Un mouvement vers une beauté qui cherche à réconcilier le soin et l’âme, la surface et le sens. Aujourd’hui, cette intuition se confirme.
La peau comme territoire
Cette année, une idée n’a cessé de me hanter : la peau n’est pas un simple support, mais une matière vivante à part entière. Elle a traversé tous mes champs d’action : ma casquette de trendsetter, mon rôle de responsable de création à MODART International et même mes écrans, mes lectures, mes visites d’expo.
Au sein de l’école, j’ai accompagné plusieurs jeunes designers sur leurs projets de fin de bachelor, mais c’est le travail emmy paoli qui m’a le plus marquée. Plutôt que d’« habiller » la peau, elle la questionne comme frontière, fiction et matière première. Ses recherches, à la croisée de l’art, du textile et du corps, auscultent porosité, cicatrice et souplesse : une peau symbolique, politique, qui respire sans rien prouver.
© Emmy Paoli BA MODART LYON
Le point de départ d’Emmy est audacieux : The Substance, film présenté à Cannes cette année, où un liquide expérimental régénère le corps en produisant une version idéalisée de soi. Dans cette satire organique, la peau devient arme, masque, faille. Emmy traduit ce glissement—entre réparation, manipulation et perception—par des textiles qui dialoguent avec les grandes questions actuelles de l’industrie : régénération, hybridation, soin invisible.
Cette démarche résonne aussi avec l’œuvre de l’artiste Saskia Colwell : sur vélin, ses traces charnelles rendent tangible la chair, la marque, la sensibilité du vivant. Là encore, la peau est à la fois poétique et politique ; elle donne à voir ce que l’on retouche habituellement et transforme la matière en langage.
2024 © Saskia Colwell. Courtesy the artist
Beauté régénérative, beauté augmentée
Dans le même temps, les marques accélèrent sur le front de la technologie. La peau devient un terrain d’innovation scientifique :
-> L’Oréal explore le micro-needling sans douleur, les patchs d’analyse cutanée, et l’intelligence artificielle prédictive.
-> Des marques comme Typology, ALLIES OF SKIN ou Supergoop! développent des soins hybrides — entre protection solaire, réparation cellulaire et textures vivantes.
-> Des plateformes comme Perfect Corp. ou Revieve réinventent la relation miroir-visage avec des diagnostics personnalisés par IA, au croisement de la data, du soin et du self-care.
Et si cette montée de la beauty tech semble à l’opposé de la sobriété incarnée par Pamela ou Saskia, le fond est le même : une beauté qui cherche à réparer sans travestir, à activer plutôt qu’effacer, à écouter plutôt que lisser.
Paris Good Fashion : le soin comme système
Cette approche écosystémique s’est aussi exprimée, sous une autre forme, au Midsummer Camp de Paris Good Fashion, auquel j’ai assisté la semaine dernière à l’Abbaye de Charlis (dans l’Oise, j’y suis née et j’y ai grandi !). Merci Isabelle Lefort !
Pensé comme un “GIEC de la mode”, cet événement a réuni marques, chercheurs, créateurs et jeunes talents (Poke Nathalie Dufour et ses 4 talents créatifs : Stéphane Ashpool (lauréat ANDAM 2015), Sarah Levy, Burç Akyol et Jeanne Friot, tous trois finalistes de l’édition 2025)— autour d’une ambition commune : décarboner l’industrie sans sacrifier le sens.
Table ronde de l’ANDAM au Domaine de Chaalis le 20/07
On y a parlé de lin local, de biomimétisme, de nouveaux indicateurs de désirabilité. Mais surtout d’un besoin de transformation lente, structurée, régénérative — exactement ce que la beauté, de son côté, commence à incarner.
Comme si les deux industries — mode et cosmétique — tentaient enfin de réparer leur lien au vivant.
Ce que je retiens
Cette année, la peau est partout — et elle parle. Elle parle de réparation, d’identité, de temporalité. Elle traverse les campagnes beauté, les œuvres plastiques, les projets étudiants et les stratégies business.
Et ce qu’elle nous dit, c’est que la beauté du futur ne sera ni parfaite, ni lisse — elle sera vivante, cultivée, technologique, mais fondamentalement humaine.
Cet article a été écrit par Célina Bailly, intervenante en fashion design, management & communication à MODART International.



